vendredi 23 novembre 2018

Gilet Jaune, idées noires


Depuis plusieurs semaines je vois passer plein de trucs sur les Gilets Jaunes :
- On ne sait pas ce qu’ils veulent.
- Des leçons de morale éco citoyenne.
- La planète c’est quand même plus important que 10cts sur l’essence.
- C’est une révolution de bouseux.

Désolée pour ceux qui me connaissent, vous pouvez sauter le paragraphe, mais faut bien que je me présente.
J’ai 46 ans et je vis seule avec mes deux gamins.
J’ai quitté la région parisienne car il était impossible de trouver un logement décent à un prix décent.
J’ai donc migré vers la Normandie. Les loyers y sont plus raisonnables mais par contre c’est la misère pour trouver du boulot !
Pour avoir ce logement, il a fallu que je fasse un truc illégal, à savoir un gros chèque au proprio ! Car en 2018 pour louer un appartement il faut être salarié en cdi et avoir un garant lui-même propriétaire de son logement. En gros si t’as pas de famille, tu finis à la rue !
Je ne vais pas vous parler de mes incroyables revenus qui coûtent « un pognon de dingue » à l’état mais juste de mes charges.
Chaque mois c’est 850€ qui partent dans le loyer, l’électricité, l’eau, les assurances, le téléphone…
Je ne compte pas l’essence, juste les frais fixes (et la bagnole ici, c’est pas un choix mais une nécessité).

Alors je ne suis pas la porte-parole des Gilets Jaunes mais ce que je demande c’est le droit à vivre dignement… Parce qu’on ne peut pas vivre dignement à 3 avec 150€ pour se nourrir et s’habiller et c’est ce qui reste avec un SMIC !
Et le gouvernement le sait puisqu’il verse grâce à vos impôts (ceux qui en payent) la prime d’activité ! Ne serait-il pas plus logique d’exiger des employeurs de payer dignement leurs employés ? Surtout de la part des grands groupes dont les actionnaires ne cessent de s’enrichir ?

IL me propose quoi le gouvernement ? 4000€ pour changer de bagnole ! Avec 150€  par mois, je ne les ai pas les 10 000€ complémentaires ! On me propose comme une largesse de plonger dans la spirale du crédit pour enrichir des banquent qui ne paieront pas d’impôts !
On m’offre un chèque énergie qui semble merveilleux mais qui ne représente même pas un mois de consommation électrique !

Il est évident que nos dirigeants sont déconnectés des réalités de cette France d’en bas dont je fais partie. Ce qui me déçoit c’est qu’il n’y a pas qu’eux !

Il y a toi, mon pote parisien, bordelais, nantais qui t’y colles !

Tu m’expliques que la transition énergétique c’est quand même plus important que mon petit confort quand mes 150€ tu les claques en une soirée resto-concert.
Tu m’expliques qu’il faut que j’aille chez le caviste, à la boucherie du coin et chez mon maraicher (bio j’imagine) et que je dois fuir les supermarchés. Seulement voilà, des petits commerces il n’y en a plus vers chez moi… il n’y a que des grands centres commerciaux éloignés qui sont exonérés d’impôts sur les bénéfices. Pis si j’habitais encore Paname c’est pas avec ce que j’ai pour boucler le mois que je pourrais suivre tes précieux conseils.
Tu m’expliques que le pétrole c’est has been comme toutes les énergies fossiles et tu as raison ! Mais tu crois que le lithium et le cobalt des batteries sont renouvelables ? Tu connais les conditions d’extraction de ces métaux dans ta Zoé de location ?
Alors arrive l’argument imparable, les transports en commun et le vélo ! C’est un peu fastoche quand on habite au pied du métro. Pour information, nous sommes 20 millions à vivre en zone rurale.
Quand t’as la chance d’avoir  un bus qui traverse ton bled c’est une fois par jour (enfin un aller le matin et un retour le soir) mais ça c’est quand tu as d bol ! Le premier supermarché il est à 15km (comme t’es hyper fort ça fait 30 bornes si tu veux revenir) et c’est trop cool en vélo avec des courses !
Et là tu vas me dire « Rhooo mais la chance ! T’es à la campagne, mange local » ! Sauf que le fermier me vend ses œufs plus chers qua quand je les achète en grande surface (oui, les mêmes œufs de la même ferme) et que le  « maraicher » vend à prix d’or des pommes italiennes et des tomates espagnoles !

Alors oui, je l’aime ma planète, et je fais tout ce que je peux depuis des années pour la préserver à mon petit niveau mais j’aime mes enfants aussi… pis moi un peu par la même occasion. Ça fait deux ans que nous ne sommes pas partis en vacances et c’est mal barré pour les prochaines. Ils n’iront jamais au ski parce que c’est trop cher.

En fait, il y a une autre vie de l’autre côté du périph’, un pays peuplé de bouseux obligés de prendre la voiture car il n’y a plus rien près de chez eux. 10 cts du litre pour sauver la planète ne me révolte pas. Ce qui me révolte c’est qu’on ne taxe pas le kérosène, le fioul lourd et que Total se la coule douce.
Ce qui me révolte c’est que 600 millions d’euros du budget pour la transition énergétique sont passés au budget général cette semaine.
Ce qui me révolte c’est de devoir faire un effort avec mes 150€ quand l’Elysée change sa déco, sa vaisselle ou refait ses ors.
Ce qui me révolte c’est que les salaires des cabinets ministériels augmentent de 20% et qu’on baisse mes apl.
Ce qui me révolte c’est qu’on ferme encore des lignes de train.
Ce qui me révolte c’est que le gouvernement ne roule pas électrique et que la RATP et les bus SNCF roulent au diesel.

Si le gouvernement se préoccupait de la qualité de l’air et de l’eau, il obligerait au ferroutage et interdirait le glyphosate ou les épandages à moins de 100 mètres écoles quand les gamins sont en récré.
Si le gouvernement se préoccupait de la qualité de l’air et de l’eau il ferait payer TOUS les pollueurs et pas juste ceux qui n’ont pas de pouvoir.

Voilà, je ne sais pas si c’est plus clair qu’au giratoire du coin ou sur BFMTV où l’on prend un malin plaisir à donner la parole à des gens qui ont particulièrement du mal à s’exprimer mais au mois ça m’aura défoulé le temps de vider mon sac !




samedi 14 janvier 2017

La Lettre contre les murs ou le séjour à Navarre

Un témoignage à lire et partager pour que cela change et évolue dans le bon sens.
Cette lettre est adressée au directeur de l'hôpital, à son chargé de communication, à l'agence régionale de santé ainsi qu'au Ministère de la Santé.



Préambule

J’avoue être un peu ennuyée quant à la rédaction de ce courrier et quel ton lui donner…

Je vous appelle Monsieur et vous vouvoie comme le veut l’usage, la bienséance et le respect ou je t’appelle Jean-Marc, voire Jimy et te tutoie comme se permet de le faire ton personnel avec tout patient incapable de répliquer ?
Franchement j’hésite mais malgré ma colère et mon profond dégoût je vais vous laisser le bénéfice du doute et faire comme si vous n’aviez jamais posé un orteil dans vos services et étiez dans la plus profonde ignorance de ce qui se passe derrière votre fenêtre.

Je vous préviens, mon histoire va vous sembler un peu longue.
Elle va certainement avoir un goût un peu amer et désagréable puisque même après mon départ on parle encore de mes propos et de moi dans vos services ! Si votre personnel peut parfois sembler manquer d’empathie, de temps et d’écoute il semblerait qu’il ne manque ni d’orgueil, ni d’oreille qui traîne et que, pour déblatérer, du temps, il en trouve !

Je vais être obligée de vous raconter un peu ma vie et mon aventure chez vous pour que vous compreniez ce que j’ai vécu mais surtout ce que vivent tous vos patients. J’ai la chance d’avoir deux neurones qui fonctionnent, un clavier et de ne pas risquer d’aller à l’isolement si je m’exprime puisque je suis dehors !
Comme vous devez vous en douter si je sors de chez vous c’est que je ne vais pas très bien.
Une dépression majeure avec suicide planifié et risque imminent de passage à l’acte.


Vernon
J’ai décidé de planifier une hospitalisation en passant par l’hôpital de Vernon. J’ai appelé le mardi 3 janvier pour savoir quelles prises en charge étaient possibles. On m’a expliqué qu’il était possible de faire une hospitalisation courte entre 4 et 6 jours afin de me protéger dans un premier temps puis d’organiser un programme ou sorte plan thérapeutique multidisciplinaire en relation étroite avec le CMP ; sorte d’hospitalisation de jour après les quelques jours de repos.
On m’a bien précisé que je pourrai garder mon téléphone, ordinateur, recevoir des visites : « vous allez entrer à l’hôpital madame, pas en prison ».

Tout me semblant rassurant et surtout correspondant à mes attentes, une prise en charge globale, je me suis donc rendue le mercredi 4 janvier aux urgences de Vernon après avoir organisé la garde de mes enfants pour ces quelques jours.
J’ai été très bien accueillie et on m’a de nouveau rassurée sur mes conditions d’hospitalisation… Je n’allais pas en prison et j’allais être prise en charge par une équipe puis suivie dès ma sortie.
Mais ça c’était à Vernon… Et de place à Vernon il n’y en avait plus !


Le Charme Pourpre
La psychiatre des urgences a appelé sans relâche pour me trouver une place, mon état étant selon elle « urgent ». J’ai toujours été calme, consciente de mon état. Devant conduire pour venir à l’hôpital je n’étais sous l’emprise d’aucun médicament. Un lit a finalement été trouvé à Evreux, celui, libre pour la nuit, d’un permissionnaire. Ni la psychiatre ni moi ne savions dans quel service j’allais mais nous avions enfin trouvé un lit.
C’est donc vers 22h que je suis arrivée dans le service  « Charme Pourpre ». Pour ceux qui ne connaissent pas c’est un service de long séjour (j’ai causé avec un gars ici depuis 17 ans).
Dès mon arrivée toutes mes affaires m’ont été confisquées, mes sacs vidés, fouillés avec commentaires sur leurs contenus. Mon téléphone supprimé comme mes chaussures et ma ceinture.

Je me suis effondrée. J’étais en larmes hoquetais, ne comprenais pas, ne comprenais plus. J’avais juré à ma fille qu’elle pourrait m’envoyer des messages à toute heure et je ne pouvais même pas lui dire que j’étais arrivée alors qu’elle attendait des nouvelles depuis 17h30. J’ai expliqué ce que nous avions organisé sur Vernon, ce que l’on m’avait dit et promis…
Pour me calmer, pas de verre d’eau ou de parole apaisante… « T’es internée, t’es pas dans un hôtel ! Soit tu te calmes tout de suite soit on te colle à l’isolement » sont les mots d’accueil de cette infirmière cette nuit-là.

L’aide-soignant a, lui, partagé un thé avec moi, plus tard pour essayer de me calmer et me rassurer. J’ai été autorisée à envoyer un unique message à ma fille pour lui dire que je n’aurai plus de téléphone.
Le lendemain j’ai vu un psychiatre environ 2 minutes et me suis retrouvée avec un traitement avec des médicaments inconnus sans même en avoir été informée. En revenant ma chambre provisoire avait été vidée. Je n’avais plus de place ni dedans ni dehors et je devais esquiver certains patients à la demande du personnel.

On m’a expliqué que j’allais être transféré vers un service « adapté », d’admission, le « Fayard Pourpre ». Je me souviens de cette adorable infirmière venue me chercher dehors pour me proposer de me rendre mes chaussures car j’avais froid. Dans le bureau, mettant enfin mes pieds aux chaud je me rappelle son insistance pour un transfert rapide « cette dame ne peut pas rester ici, elle n’a pas sa place chez nous, il faut faire vite, ça ne va pas du tout ».


Le Fayard Pourpre
C’est donc le jeudi 5 vers 13h30 que je suis arrivée dans le service. J’ai été installée dans ma chambre. Une fois habillée car depuis le matin je n’avais pas eu accès à mes vêtements, je suis allée voir les infirmières pour récupérer le reste de mes affaires dont mon téléphone et mes cigarettes. J’ai récupéré ces dernières mais pas mon appareil. J’ai expliqué que je devais juste envoyer un sms à ma fille, raconté Vernon… On m’a clairement envoyée bouler sur un ton plus que sec (je reste polie). On m’a demandé de revenir 1h plus tard.

Quand je suis revenue j’ai été accueillie par un « vous voulez quoi encore ? » franchement excédé (je rappelle que j’étais dans le service depuis 1h, ignorant tout de son fonctionnement). J’ai récupéré mon téléphone et envoyé mon message vers 15h.
J’ai ensuite regagné ma chambre, ne sortant que pour aller fumer une cigarette ou me rendre au réfectoire.

Le lendemain matin j’ai demandé à recharger ma cigarette et j’ai de nouveau reçu un accueil plus que désagréable car les appareils ne se rechargent parait-il que la nuit. On m’a clairement « envoyée chier » (désolée mais je ne vois pas de tournure plus parlante). J’ai donc regagné ma chambre. J’ai passé la même journée que la veille.
Il est, parait-il, indiqué dans mon dossier que je suis restée prostrée 2 jours dans ma chambre. Je suis juste restée dans le seul endroit où j’étais sûre de ne pas me faire engueuler ! Et visiblement ça n’a pas inquiété grand monde puisque personne n’est venu toquer à ma porte pour prendre de mes nouvelles !

Le psychiatre a lourdement insisté à chaque visite pour que je prolonge mon séjour. A lui aussi, comme à Vernon, j’ai expliqué ce que j’attendais de cette hospitalisation et il m’a expliqué que j’aurai un rdv calé et que tout serait organisé lors de ma sortie. J’ai eu une prescription et dès le lendemain matin (samedi) j’ai eu mon premier malaise vagal. Visiblement l’un des produits provoquait une réaction secondaire.

Je suis restée avec mes malaises matinaux puisqu’il n’y a pas de psychiatre le week-end. Le lundi, lors de la visite, il a accepté de supprimé l’un des 2 pour savoir auquel j’étais intolérante. Il m’a expliqué être absent le mardi mais qu’un confrère prendrait le relais si nous avions supprimé le mauvais… Et c’était le cas ! J’ai attendu en vain toute la journée du mardi mais aucun psychiatre n’a accepté de me recevoir.
Je souffre également de douleurs chroniques et il y a une affiche sur « Votre douleur – Parlons-en ». J’ai expliqué au généraliste qu’un seul produit me soulageait et il ne me l’a pas prescrit. J’ai retrouvé par la suite une ordonnance de mon médecin prouvant que c’était bien mon traitement. Je n’ai eu accès au soulagement que le lundi soir lors mon 6ème soir d’hospitalisation !

Quant à la douleur psychologique, j’ai eu beau dire et répéter que l’anxiolytique n’avait aucun effet sur l’angoisse, il n’a jamais été changé et même diminué par rapport à mon traitement de ville !

Le lundi soir, pour la première fois, un infirmier s’est présenté à moi lors de sa prise de service en m’appelant par mon nom et me demandant si j’allais bien. Pour moi cette demande n’était qu’une formule de politesse et je n’ai réalisé le lendemain qu’elle était vraiment sincère et une invitation au dialogue mais quand on passe une semaine à se faire traiter comme un « truc qui gêne au milieu » on perd l’habitude de l’humanité.


Du respect et de la dignité des patients
Le mardi soir, veille de ma sortie, il a fallu que j’avale une fois de plus ce médicament qui me rendait malade.
Ce soir-là, j’ai osé parler. Je sortais le lendemain dans un état pire que celui dans lequel j’étais rentrée. L’infirmière très gentille à laquelle je me suis adressée ne connaissait même pas mon dossier. J’ai donc évoqué mon cas mais aussi celui des autres et en particulier celui du droit à la dignité.

Il se trouve que certains patients ne sont pas autonomes et renversent leur repas, n’arrivent pas à tenir une cuillère, ne peuvent s’asseoir seuls… Et le personnel reste planté là, se marre, râle avec des « elle en a encore foutu partout », « tu sais ce que c’est qu’une cuillère ? » mais il n’y en n’a pas un qui aide. Alors quand X, le pantalon baissé laissant voir la moitié de son intimité postérieure se tartine le bavoir et rate la moitié de son repas j’estime que sa dignité est bafouée.

J’estime que quand Z n’arrive pas à beurrer sa tartine avec sa cuillère à soupe et renverse son chocolat sur elle, son droit à la dignité est bafoué.

Que quand on retrouve W en slip dans les couloirs sa dignité est bafouée.

Ce n’est pas parce que ces patients sont sédatés ou incapables de se rendre compte de leur état à cause de leur pathologie qu’ils n’ont pas droit à la dignité.

Comme ce tutoiement unilatéral de certains patients. Jamais ne n’ai vu cela dans aucun hôpital, même en gériatrie ou pour des patients dans le coma.

Et puis il y a cet odieux chantage, l’abus d’autorité sur des patient en état de faiblesse pratiqué par certains… Le chantage à l’isolement, à la privation de cigarette ou d’un objet personnel ! C’est surtout pratiqué (comme c’est étonnant !) sur des patients sous contrainte ! Humiliés publiquement et obligé de faire le « gentil toutou » pour pouvoir avoir un pantalon !

Mais il y a aussi des distractions dans le service ! Comme ce dimanche en fin d’après-midi où devant la porte ouverte du carré du staff un patient (certes pas méchant) a commencé à m’approcher jusqu’à me caresser les cheveux me disant que j’étais belle. J’ai protesté et clairement signifié que je ne voulais pas qu’il me touche. Le personnel présent a trouvé ça vraiment drôle, K avait une nouvelle fiancée ! Et quand il a continué et attrapé l’épaule et essayé de me prendre dans ses bras c’est seule que j’ai dû me dégager devant l’équipe du staff spectatrice.


Le départ
Le mardi, veille de ma sortie, j’étais vraiment mal.
J’avais exprimé mon opinion quant à la façon de traiter les patients et l’impression d’avoir perdu ma semaine. J’avais demandé une prise en charge globale et un cadrage pour ma sortie pour retrouver des repères, avoir des jalons et des béquilles une fois dehors. Je n’ai vu que le psychiatre mais ni psychologue, ni infirmière pour discuter. Il parait que l’on peut… mais vu qu’on a l’impression de leur arracher un rein quand on leur demande de charger un téléphone je n’ose imaginer l’accueil pour parler 1/2h ! Et puis je ne savais même pas que c’était à eux qu’il fallait soi-même s’adresser, je ne l’ai su que le dernier soir.

Bref, j’avais placé beaucoup d’espoir dans cette hospitalisation (trop courte selon mon psychiatre) et devant l’échec de ma démarche j’ai craqué. En allant chercher mon somnifère du soir pour la première fois on m’a demandé comment j’allais… la première fois en une semaine… et invité à m’asseoir et parler. L’infirmier de nuit nous a rejointes et nous avons longuement discuté. Depuis mon intervention pendant le repas j’étais devenue une patiente « distante, froide, hautaine » quand toute la semaine on n’avait souligné que mon humeur égale et souriante.

Lui aussi a souligné cette hospitalisation trop courte à son avis.
J’y ai beaucoup repensé et vers 2h du matin je suis retournée lui demander son avis pour savoir si une semaine supplémentaire pourrait m’aider dans mon projet pour aller mieux. Il a été très franc et répondu que « non, j’étais grillée dans le service avec les collègues, que je ne trouverai personne à qui parler et qu’il valait mieux que j’oublie Navarre ».

Le lendemain matin j’ai vu pour la dernière fois mon psychiatre et proposé d’accepter de prolonger mon hospitalisation.
Il a refusé.
Je lui ai fait remarquer que je partais dans un état pire que celui dans lequel j’étais arrivée avec un traitement qui n’étais pas au point (en gros j’avais encore plus envie de me suicider pour ne plus souffrir).
Non, je sortais et c’était sans appel. J’ai demandé quand était prévu mon rendez-vous au CMP, comment était organisée ma sortie. Rien. Pour moi rien n’est prévu, pour moi Navarre n’existe plus et je n’existe plus pour Navarre.

En gros on m’a jetée dehors pour avoir osé exprimer mon avis et surtout exposé ma souffrance au grand jour sur la place publique.
Très clairement, vu mon état, le praticien (tout le service en fait)  mettait dehors une personne dans un état pire qu’à son arrivée en mettant délibérément sa vie en danger uniquement pour une question d’orgueil et le refus de se remettre en question.

Ma sortie de ce mercredi était très clairement une mise en danger de la vie d’autrui et je trouve cela inadmissible.
Je tiens à signaler que sur cette semaine d’hospitalisation personne n’a remarqué les mutilations sur mon corps, les deux bras et le ventre, car jamais je n’ai été auscultée.


Conclusion
Nous sommes en France au 21ème siècle et cet établissement psychiatrique « moderne » est digne des pires images d’Epinal.
Humiliations, vengeance, chantage, « deal de clope », brutalité verbale, moquerie et une indifférence totale à la douleur physique et psychique.
On trouve plus de douceur et d’humanité dans le regard d’un gardien de chenil que chez vos soignants et le seul mot qui me vienne c’est : immonde.

J’ose espérer que cet endroit est une exception et que le reste des établissements psychiatriques est peuplé d’humains doués d’empathie et faisant leur travail.
Je tiens à signaler (mais vous le ferez vous-même avec vos plannings car je ne souhaite citer personne) que j’ai rencontré des personnes formidables qui aiment leur métier et le font réellement.
Je souhaite en particulier à remercier le personnel de service et les aides-soignants qui ne sont pourtant pas censés être en première ligne dans la thérapie.

Le problème est que les « monstres » marquent plus que les « humains ».

Pour conclure, Monsieur, sachez que la prochaine fois que j'irai vraiment mal, je préférerai passer à l’acte plutôt que de repasser par votre établissement, voire même toute structure du même type suite à cette expérience.


Cordialement,
Agnès LAURENT


mercredi 31 août 2016

Les Jachères de la République



« Mais le combat est d’abord, et avant tout, politique, au sens le plus profond du mot, culturel, pour dire ce que nous n’acceptons pas, car cela met en danger la cohésion de la Nation. » - M. Valls.

Je partage cette vision depuis toujours mais est-ce vraiment le fond de votre pensée?
C’est au cœur de la cité que se trouvent les réponses.
De « polis » en grec nous tenons la politique. Du latin « civitas», la citoyenneté. Privées des langues anciennes, les futures générations l’ignoreront bientôt.
Au sens le plus profond du mot c’est l’ensemble des règles qui permettent à la cité de prospérer grâce à la cohésion de sa population.
C’est bien ce qu’il nous faudrait mais en avons-nous les moyens ? Pouvons-nous détruire ce que nous construisons depuis 60 ans ?
Car cette cité malade dans laquelle nous vivons est fabriquée de toutes pièces, née d’un idéal visionnaire de gens déconnectés de la réalité.

Je ne suis ni éclairée ni illuminée. Je suis juste une citoyenne de seconde zone sachant superposer des cartes et enfoncer des portes ouvertes.

Si nous associons tous l’intégrisme avec la cité de banlieue nous n’en voyons pas toujours les causes profondes et je souhaite revenir sur notre histoire récente. Cette analyse n’engage bien sûr que moi, simple fruit de mes observations.

C’est en regardant différentes cartes que j’ai commencé à creuser un peu plus.
D’abord celles de la répartition des foyers intégristes et des fameux « Grands Ensembles ». Puis celles du chômage, de l’échec scolaire, de la pauvreté, des conversions, de la violence, de l’extrême droite et des évangélistes pentecôtistes. Ce n’est pas un hasard si toutes révèlent les mêmes points noirs (certaines exceptions pour l’extrême droite qui est parfois en périphérie de ces zones).

La France est le seul pays d’Europe à avoir choisi massivement ce mode d’urbanisation, nos voisins préférant opter pour des immeubles bas et des cités jardins. Il se trouve aussi que la France détient le record européen du nombre de djihadistes sur son territoire.
Hasard ?
Je ne pense pas…

Nous sommes juste après la guerre et il faut reconstruire la France. Les infrastructures, les transports, les logements.

Notre pays était très en retard par rapport à ses voisins. A cette époque seules la moitié des habitations ont l’eau courante, 25% ont des toilettes et 10% une salle de bain. Alors au lieu de reconstruire on a décidé de construire tout court.
Il fallait aller vite et bien.
Les grands ensembles vont sortir de terre jusqu’au milieu des années 70.
De véritables villes en kit avec écoles, commerces et logements poussent comme des champignons en un temps record. On se rend très rapidement compte que ce n’est pas une bonne idée mais on continue quand même !
C’est qu’on a besoin de plus en plus de place. Après la guerre à réparer on entame les 30 glorieuses, on favorise l’immigration pour subvenir au manque de main d’œuvre, nous sommes en plein baby-boom, nous sommes en pleine décolonisation et nous assistons au dernier grand exode rural.

La France a faim de gigantisme. Des champs toujours plus grands avec le remembrement et des tours toujours plus hautes pour loger tous ces exilés.

Le rêve de la ville nouvelle est de courte durée. On a construit vite mais mal. Très vite les matériaux bas de gamme se dégradent. La joie d’avoir sa salle de bain est gâchée par les nuisances sonores et les courants d’air. L’offre des transports ne suit pas et les commerces ferment.

Ces villes ont été bâties en périphérie des grandes métropoles qui fournissent les emplois  et hors les murs des villages dont elles prendront le nom. Comme des clones elles n’ont ni âme ni Histoire. Quand on habite Sarcelles on n’est pas parisien et on n’est pas de Sarcelles quand on ne vient pas du « Village ».
Elles n’ont pas de passé et n’auront bientôt plus d’avenir.
On n’y vit pas, on y dort après une longue journée de travail et des heures de transports.
On travaille bien à l’école pour réussir et pouvoir un jour en partir.

Elle est là notre France Blacks-Blancs-Beurs. Elle est juive, chrétienne et musulmane. Elle est portugaise, arménienne, marocaine malienne et bretonne. Elle travaille de concert pour un pays plus fort et un avenir meilleur. Elle est ouvrière et non qualifiée. Elle envoie de l’argent au pays. Un jour elle rentrera chez elle ou alors elle aura « une situation »…
En attendant la terre promise, faute de loisirs et d’espaces verts on reste devant sa télé nouvellement acquise et on regarde défiler le reste du monde.

Et puis en 1974, le rêve se brise. C’est le choc pétrolier.
Les emplois  sont plus rares et les premières victimes sont ces gens qui ont tout laissé pour venir vivre ici. Dans le même temps le flot migratoire ne tarit pas mais il n’est plus économique. On ne quitte plus son pays pour y revenir riche plus tard. On quitte son pays pour ne pas y mourir sans savoir si on y retournera un jour.

Avec le chômage ils n’ont pas pu financer les études pour les enfants qui sont entre-temps devenus parents à leur tour.

Et le grand rêve se transforme en spirale de l’échec, en descente aux enfers.

Dans les années 90 la jeunesse est en colère.
Elle casse, vole, pille, insulte comme un enfant testerait les limites de ses parents mais la République est une mère démissionnaire.
Elle va bien punir un peu mais va délaisser son rôle d’éducatrice. Petit à petit les villes-nouvelles deviennent Cités Dortoirs puis des Zones Urbaines Sensibles et enfin des  quartiers prioritaires de la politique de la ville. On change de nom mais rien ne change vraiment et même si les élus rechignent à l’admettre ce sont surtout des zones de non-droit.
Des zones sans lois, sans repères et surtout sans espoirs. Elles sont devenues des jachères de la République où la notion «d’Égalité » n’a plus de sens.

Après 30 ans d’abandon les chiffres parlent d’eux-mêmes…
50% va abandonner l’école avant la fin du collège et n’aura aucune qualification ou diplôme.
45% des moins de 24 ans sont sans emploi (le double de la population nationale).
22% bénéficient de la CMU contre 7% pour le reste des français.
33% touchent les minima sociaux contre 18% ailleurs.
40% vivent sous le seuil de pauvreté.
5% d’entre eux seront cadre ou auront une profession libérale.
La mortalité périnatale y est 80% plus élevée !

Nous ne sommes pas à Soweto ou Jakarta… Nous sommes à moins de 10 km De Paris, Marseille, Roubaix et autres métropoles.

Ils vivent dans des villes sans passé et n’ont aucun avenir. Ils subissent leur vie comme dans les tragédies grecques en acceptant la fatalité. Ils ne voient du monde que ce que leur offrent BFMTV et Les Feux de l’Amour.

Les jachères sont des terres fertiles à qui prend la peine de les reprendre en main et ça, les prédicateurs de tous bords l’ont bien compris. Ils offrent des réponses quand les autres restent muets, ils donnent un sens à cette absurde vie sur terre faite de souffrances pour gravir les marches du salut et surtout, ils vont sur le terrain.
Ce compost explosif n’a pas de couleur. Il est le fruit de la pauvreté et de l’absence d’espoirs qui se décomposent.

Il est facile d’endoctriner des gens qui savent à peine lire et dont personne ne prend soin. La République leur reproche même de gagner trop avec toutes leurs « allocs »! Ils se raccrochent à n’importe quelle branche.
Ils s’abandonnent à une foi aveugle en un Allah vengeur, un Jésus vivant ou une vierge Marine.
Ces croyances sont archaïques et remplies de haines, mêlant vieilles pratiques animistes ou païennes à des morceaux de « vrais textes » détournés pour former de véritables dogmes. Elles sont volontairement détachées de tout modernisme afin d’être plus hermétiques. On ne discute pas  ce qu’on ne comprend pas.
Si certains glissent vers une version plus radicales de leurs convictions originelles on assiste à énormément de conversions vers l’Islam mais aussi les Pentecôtistes ou l’extrême droite. Ils profitent d’une population qui n’ira ni lire les textes ni vérifier les chiffres ou les sources.
Leur foi est aveugle et leur jugement altéré.

Ils ne sont pas idiots mais il est bien difficile de réfléchir quand on souffre (je vous invite à essayer de faire des sudoku pendant une rage de dents ou un accouchement). Une fois enrôlés quelqu’un pensera pour eux et ils vont y trouver un réel apaisement en plus de l’espoir d’un avenir meilleur, ici ou dans l’au-delà.

Alors oui, il faut faire quelque chose Monsieur Valls.
Il faut faire de la politique au sens profond comme vous dites et rattacher les 10% d’êtres qui survivent dans ces limbes parallèles à la République.
Il faut arrêter de laisser mourir socialement ces gens en les mettant au ban de la ville au sens large. Si des prédicateurs de bazar arrivent à convaincre en offrant du rêve, des énarques d’un des pays les plus riches de la planète devraient y arriver en offrant du concret. Non ?
C’est à vous d’aller réhabiliter vos jachères au lieu de culpabiliser les herbes devenues folles qui y poussent comme elles le peuvent.

lundi 29 août 2016

Assumons le débat sur le burkini par Manuel Valls

Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet interdisant les tenues qui manifestent, de manière ostensible, une appartenance religieuse. Il a jugé que la mairie n’avait pas établi le risque de trouble à l’ordre public et qu’elle avait par conséquent excédé ses pouvoirs.
Toute décision d’interdiction doit effectivement établir le risque d’atteinte à l’ordre public et être appliquée avec discernement – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Mais, comme vient de le rappeler le ministre de l’Intérieur, le Conseil d’Etat « ne prive pas les maires de ce pouvoir ; il en rappelle à nouveau les conditions de son exercice, dans un cadre juridique conforme aux principes constitutionnels. »
Cependant, cette ordonnance du Conseil d’Etat n’épuise pas le débat qui s’est ouvert dans notre société sur la question du burkini. Ce débat n’est pas anodin. C’est un débat de fond, qui vient après d’autres : il y a trente ans, la question du foulard dans les écoles, puis la loi de 2004 sur le port de signes religieux, et celle de 2010 sur le voile intégral dans l’espace public.
Bien sûr, il ne faut pas être dupe de ceux, à droite et à l’extrême-droite, qui exploitent ce débat pour pointer du doigt les musulmans. Mais au-delà, une question fondamentale se pose : dénoncer cette tenue, est-ce stigmatiser les musulmans, ou bien est-ce justement le port de signes prosélytes de cette nature qui est un risque pour tous les musulmans de France, alors assimilés à l’islamisme politique militant ?
Je veux répondre clairement : dénoncer le burkini, ce n’est en aucun cas mettre en cause une liberté individuelle. Il n’y a pas de liberté qui enferme les femmes ! C’est dénoncer un islamisme mortifère, rétrograde. Une vision que je n’accepte pas au nom même de la place que l’Islam doit trouver dans notre société.
Car il faut faire une distinction très claire. C’est, je crois, la clé du débat.
Il y a, d’une part, cet islamisme politique, qui instrumentalise une religion, qui est le fait d’une minorité. Le burkini n’est pas un signe religieux, c’est l’affirmation dans l’espace public d’un islamisme politique.
Il y a, d’autre part, la très grande majorité des musulmans, qui savent bien que le burkini est l’alliance improbable entre le mot bikini et le mot burqa – un mot qui dit bien ce qu’il veut dire !
Ces Français musulmans savent qu’ils sont une part de la culture française. Qu’ils soient pratiquants ou non, ils forment une composante essentielle de la France. Cette composante s’est diversifiée, profondément mêlée à toutes les autres composantes de notre société, à la suite de mariages mixtes, de combats politiques, sociaux, à la suite d’engagements pour la France, dans la guerre et dans la vie quotidienne. C’est une chance, il faut le redire.
Une fois cette distinction faite, la question se pose de ce qu’il faut faire, face au burkini, face aux manifestations d’un islamisme politique.
Le combat est juridique, chaque fois qu’un risque de trouble à l’ordre public sera établi. Mais le combat est d’abord, et avant tout, politique, au sens le plus profond du mot, culturel, pour dire ce que nous n’acceptons pas, car cela met en danger la cohésion de la Nation.
Le silence serait sans doute plus confortable, pour ne pas risquer les généralisations, pour ne pas aviver des plaies ouvertes au sein de la société française. Mais rester silencieux, comme par le passé, c’est un petit renoncement. Une démission de plus. Petit à petit, c’est alors notre pacte républicain qui se fissure sous le poids des communautarismes et des réflexes xénophobes qu’ils engendrent.
Les Français, tous les Français, et les musulmans eux-mêmes, attendent un regard lucide, des réponses claires.
Ils attendent qu’un Islam de son temps, revendiquant pleinement les valeurs de la République, l’emporte. Et c’est en premier lieu aux musulmans de France de le construire, de mener ce combat culturel. Ils sont les premiers confrontés à la violence du message salafiste, radical.
L’Etat est là pour accompagner et protéger les musulmans de France. Il doit être implacable face aux actes anti-musulmans, comme il doit être implacable face aux actes antisémites, anti-chrétiens ou racistes.
Avec le ministre de l’Intérieur, nous avons voulu relancer la construction d’un Islam de France, apaisé, indépendant des influences étrangères. Bernard Cazeneuve fera des propositions ce lundi.
L’Etat est là pour réaffirmer ce qui fait, depuis plus d’un siècle, la condition de notre vie en société : la laïcité. Elle n’est pas la négation du fait religieux. Elle n’est pas un instrument pour viser ou exclure une religion en particulier. Je n’accepte pas ceux qui utilisent l’argument de la laïcité pour pointer du doigt les Français musulmans. Elle est ce socle républicain qui accueille chacun en son sein, quelle que soit sa culture, quelle que soit son histoire. Elle est cette liberté moderne, émancipatrice, qui consiste à tirer une ligne nette entre ce qui relève du temporel et des choix spirituels de chacun. La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire. Mais c’est l’exigence, aussi, de ne jamais imposer ses croyances ou ses pratiques à l’autre. Cet équilibre, la France a su le construire. C’est sa singularité. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’elle est visée. Cet équilibre, c’est une part de notre identité. Nous devons tous le défendre.
 
Manuel Valls